AAC - Racines, radicalité, organicité en France et dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles

Appel à communication « Racines, radicalité, organicité en France et dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles », JDJC (Lille, 17-18 oct. 2024).

Journées Doctorant.es et Jeunes Chercheur.euses 2024 de la SEAA17-18 et de la Société Française d’Étude du XVIIIe siècle (SFEDS)

Université de Lille, les 17 et 18 octobre 2024

Organisateurs : Julien Beckaert (CECILLE, université de Lille), Aude Lecimbre (ALITHILA, UdL), Alice Marion-Ferrand (IRCL, Montpellier3), Vanessa Alayrac-Fielding (CECILLE, UdL / SEAA1718), Caroline Jacot Grapa (ALITHILA, UdL / SFEDS)

Comité scientifique : Laurent Châtel (UdL), Aude de Mézerac (UdL), Pierre Labrune (UdL), Émilie Seguin (UdL), Alice Leroy (UdL)

Au cours du XVIIe et XVIIIe siècles, les trois notions de « racines », « radicalité » et « organicité » n’ont cessé d’être pensées, débattues, défendues ou pourfendues dans de nombreux champs disciplinaires relevant de la pensée politique, la religion, la philosophie, l’histoire des sciences, l’esthétique, ou encore l’histoire de l’art. Ces journées se proposent de mettre au jour les dynamiques qu’elles invitent à explorer.

Si racine appartient à différents domaines scientifiques (astronomie, botanique, mathématique et algèbre), l’adjectif radical marque « la source, principe de quelque chose » : en 1694, le Dictionnaire de l’Académie françaisedonne ce bel exemple, « Lumiere radicale, La lumiere d’un corps qui est lumineux par luy-mesme ». Syntagme dont s’est saisi Jonathan Israel dans son ouvrages Les Lumières radicales pour penser à nouveaux frais un mouvement intellectuel critique qui irait de Descartes et Spinoza à Pierre Bayle, qui porte la pensée du 18e siècle. Si le dérivé radicalité n’apparaît qu’au 19e siècle, on peut interroger son sens politique dès le XVIIe siècle. Si la radicalité porte en soi sa propre lumière, elle semble impliquer un mouvement qui empêche tout retour en arrière, une exigence voire une intransigeance qui prend le risque de la violence révolutionnaire.

Bien qu’on puisse estimer que les textes des Philosophes excluent toute forme de radicalité si l’on considère qu’ils souhaitent faire évoluer les consciences vers davantage de tolérance, l’existence de la notion de radicalité est au cœur de leurs textes, qui s’inscrivent dans la tradition des libertins du grand siècle, ce que montre par exemple Claude Morilhat dans son ouvrage La Mettrie : un matérialisme radical ou encore le livre intitulé Les Lumières radicales et le politique sous la direction de Marta García-Alonso. Les écrivains de l’époque semblent pressentir le mouvement révolutionnaire et ils illustrent ce concept tout autant par les thèmes qu’ils abordent que par leur prise de position parfois véhémentes. C’est le cas de Denis Diderot qui, dans ses dernières œuvres, adopte un point de vue de plus en plus radical sur les bouleversements sociaux et politiques des années 1770 et ne s’interdit pas de louer le livre « qui fait naître des Brutus ». Ses prises de position politiques et son soutien « aux insurgents d’Amérique » s’imposent dans ses contributions à l’Histoire des deux Indes de l’abbé Raynal.

Organicité touche au vivant, la notion renvoie au corps comme totalité au sens propre et au sens figuré, organisation et système en développement et en évolution – on renverra au livre de Judith Schlanger, Les métaphores de l’organisme. Ainsi l’image de l’arbre coupé ou déraciné peut évoquer les crises politiques qui, au cours de la période, menacent les soubassements organiques du corps politique, et appellent à sa refondation. Ces différentes notions pourront être envisagées du point de vue de l’histoire intellectuelle, en littérature et dans les arts, et dans des contextes historiques spécifiques de crise ou de révolution.

La notion de radicalité en littérature pourra être envisagée du côté de l’éloquence des écrivains et des Philosophes des Lumières, mais elle entre aussi dans les représentations, dans la construction du personnel romanesque ou dramaturgique de leurs œuvres. Les héros de tous bords, martyrs, prédicateurs, despotes, fanatiques, sont autant de personnages mis sur le devant de la scène qui portent en eux une forme de radicalité. Il pourra être intéressant d’étudier la notion d’un point de vue poétique et rhétorique, et de voir quels rapports elle entretient avec le traitement des passions. De même, on pourra interroger l’intérêt du public pour certaines figures de prédicateurs ou de fanatiques. Voltaire, de sa pièce Le Fanatisme, et Mahomet le prophète en 1741 à son Traité sur la tolérance (1763), écrit pour lutter contre l’intolérance religieuse. Dans sa tragédie Le Fanatisme, et Mahomet le prophète, il reconnaît avoir déformé la vérité historique et radicalisé le personnage pour produire un effet sur le public, ce qui renvoie aux débats sur le principe de bienséance conçu d’après La Poétique d’Aristote. On pourra interroger les enjeux esthétiques des représentations extrêmes – des martyrs, des crimes et des soulèvements par exemple, dans la peinture d’histoire.

Le discours radical regroupe de nombreuses revendications politiques, telles que la tolérance religieuse, la souveraineté populaire, ou encore le suffrage universel. Des puritains des XVIIe et XVIIIe siècles aux chartistes du siècle suivant, du socialisme agraire des Diggers à l’abolition de l’esclavage soutenue par John Cartwright, de nombreux mouvements, dans la rue comme sur les bancs du Parlement, réclament des droits sociaux, religieux ou économiques. Si les radicaux se tournent vers l’avenir lorsqu’ils souhaitent provoquer un basculement vers un nouvel ordre social, ils se référent également au passé afin d’inscrire leur programme dans le sillage de figures tutélaires, historiques ou mythiques. C’est le cas du roi Alfred le Grand, que les radicaux partisans de la réforme parlementaire érigèrent en figure fédératrice, garante des libertés du « freeborn Englishman ». En s’appuyant ainsi sur des racines perçues comme idéales, le radicalisme prône une reconquête de droits jadis obtenus mais peu à peu dévoyés par ce que le conservatisme, auquel il s’oppose, appelle tradition. Celle-ci fut régulièrement défendue par Edmund Burke, notamment dans Reflections on the Revolution in France(1790), comme seul principe capable d’assurer la continuité et la stabilité d’une société.

L’époque moderne est émaillée d’événements illustrant les rapports de force entre des groupes sociaux a posteriori qualifiés de radicaux, tels que les Levellers en Angleterre lors de la première révolution anglaise ou les Jacobins pendant la Révolution française, et les puissances réactionnaires. De la Glorieuse révolution (1688-1689) à la Guerre d’indépendance des États-Unis (1775-1783) et la guerre de la première coalition (1792-1797), des conflits éclatent en Europe et en Amérique. Cet âge dit des révolutions témoigne du déploiement à grande échelle de principes lentement élaborés, notamment par la philosophie des Lumières. Des figures, telles que celle de Thomas Paine, participent de la diffusion de ces idées sur une scène désormais internationale. Ce dernier publie Common Sense en 1776 avant d’être élu député de la Convention pour le Pas-de-Calais en 1792. Rompant avec la couronne anglaise, l’absolutisme ou l’Ancien régime, la Grande-Bretagne, la France et la jeune Amérique plantent alors les graines de nouveaux systèmes représentatifs en rédigeant chartes et constitutions.

Les propositions de communications sont à envoyer avant le 30 juin sous la forme d’un abstract de 300 mots maximum, en français ou en anglais, accompagné d’une brève bio-bibliographie à l’adresse suivante : jdjclille@gmail.com