Projets en cours
ERC
The Reception of Ancient Greece in Premodern French Literature and Illustrations of Manuscripts and Printed Books (1320-1550) : how invented memories shaped the identity of European communities.
The AGRELITA project ERC n° 101018777 was launched on October 1st 2021. It is a 5-year project (2021-2026) financed on an ERC Advanced Grant 2020 through the European Union’s Research and Innovation Programme Horizon 2020.
Les études des premiers siècles de la réception de l’Antiquité grecque en Europe occidentale pré-moderne ont porté jusqu’ici quasi exclusivement sur la transmission des textes grecs antiques aux XVe et XVIe siècles, le renouveau de l’enseignement du grec, les éditions des textes grecs et les travaux latins des humanistes hellénistes. Néanmoins dans les siècles qui précèdent, malgré la perte quasi générale de la maîtrise du grec et de la majorité des œuvres grecques, la Grèce ancienne n’était pas méconnue ni ignorée. Des traductions arabo-latines de textes grecs ont vu le jour, mais aussi, pour des publics plus larges et à partir de sources diverses, de nombreuses œuvres vernaculaires, très souvent illustrées, ont élaboré de riches représentations de la Grèce ancienne. Émanant d’auteurs presque tous non hellénistes, elles deviennent de plus en plus nombreuses à partir du XIVe siècle. Or leur étude en tant qu’élaborations d’une nouvelle mémoire culturelle de la Grèce ancienne et revendications de son héritage n’a jamais été menée.
Se situant aux frontières des études littéraires, de l’histoire du livre et de l’histoire de l’art, l’ambition d’AGRELITA est ainsi d’explorer la question de la réception par une entrée nouvelle, différente du traditionnel focus sur la transmission directe des œuvres : l’étude des appropriations littéraires et artistiques de la Grèce ancienne par des auteurs qui, des années 1320 à 1550, n’ont pas été en contact direct avec les œuvres grecques, ont accès à des sources latines diverses et, dans un processus de réception active qui relève avant tout de la création littéraire et artistique, choisissent l’écriture et l’illustration d’œuvres en langues vernaculaires. AGRELITA étudiera leur création de l’objet « Grèce ancienne » : comment ils élaborent leurs représentations de la Grèce ancienne en tant que telle, dans ses spécificités et son altérité, et en même temps inventent des liens entre elle et leur propre univers spatio-temporel, pour l’ériger en héritage.
L’équipe d’AGRELITA est composée de :
- Catherine Gaullier-Bougassas (Principal Investigator)
- Quatre post-doctorantes : Clarisse Évrard-Guilbert, Ilaria Molteni, Cléo Rager et Valeria Russo
- Caroline Crépiat (Project Manager)
Pour plus d’informations, nous renvoyons au carnet Hypothèses : agrelita.hypotheses.org
Le projet ERC AGRELITA est également présent sur les réseaux :
www.facebook.com/Agrelita-ERC-Advanced-Grant-110283924825103
Le projet COUPLE est dirigé par Esther Demoulin, sous la supervision de Florence de Chalonge
Quatre mains et deux plumes. Socio-histoire des pratiques du couple littéraire (1893-aujourd'hui)
Writing with four hands and two pens: a socio-history of the literary couple (1893-present)
The COUPLE project Access ERC (ANR-23-AERC-0013) was launched on September 1st 2023. It is a 2-year project (2023-2025) financed on the European Union’s Research and Innovation Programme Horizon 2021-2027.
Objet d’une fascination populaire, le couple littéraire a jusqu’à présent étrangement échappé aux exigences de la critique universitaire alors même qu’il réoriente en profondeur les cadres épistémologiques de l’histoire littéraire et mérite que l’on s’y intéresse enfin. C’est à cette exploration que le projet intitulé Quatre mains et deux plumes. Socio-histoire des pratiques du couple littéraire (1893-aujourd’hui) (COUPLE) entend se consacrer. L’hypothèse à l’origine du projet est que le couple littéraire devient le lieu d’un paradoxe à partir du moment où le romantisme se constitue autour d’un régime de singularité. Contraint d’affirmer sa singularité, l’écrivain en couple se doit cependant d’exprimer le nous de la relation amoureuse pour répondre aux injonctions de l’institution du couple. Le couple littéraire se retrouve alors dans une impasse : il doit se dire pour répondre aux impératifs du couple ; il doit se taire pour répondre aux injonctions du champ littéraire.
Si une telle recherche est aujourd’hui devenue possible, c’est que les parutions des dernières années ont considérablement renouvelé notre conception du couple. Qu’est-ce que le couple fait à la littérature ? est désormais une question légitime à laquelle COUPLE souhaiterait répondre au moyen d’une approche interdisciplinaire et en trois temps. Il s’agirait, dans un premier temps, de dessiner la socio-histoire du couple littéraire dans les pays francophones, du xxe au xxie siècle. Socio-histoire, car deux approches seraient ici privilégiées. Une approche historique, tout d’abord, dans le but de comprendre les évolutions de la notion entre 1893 – date du mariage entre Colette et Willy – jusqu’aux couples d’écrivains les plus contemporains. En se présentant sous la forme de collages de monographies, les publications consacrées aux duos d’écrivains ne se sont jamais attachées à historiciser une notion qui gagne pourtant à être pensée au croisement de l’histoire littéraire des femmes, de l’histoire de la médiatisation de l’écrivain et de l’histoire du couple. À cette approche historique, je souhaiterais combiner une approche sociologique afin d’observer les stratégies littéraires mises en place – consciemment ou non – par les membres du couple en fonction des contextes économiques, sociaux et politiques de chaque pays. Si cette recherche se concentre, pour des raisons de faisabilité, sur la seule aire linguistique francophone, elle entend cependant proposer un modèle conceptuel applicable à d’autres aires linguistiques.
Il s’agirait, dans un deuxième temps, de déterminer la spécificité du couple par opposition aux fratries ou aux amitiés littéraires. La critique littéraire a jusqu’à présent utilisé le mot couple pour parler indifféremment d’un duo amical, familial ou amoureux alors que la sociologie du couple s’est attachée à distinguer les socialisations familiale, conjugale et amicale, et il est désormais temps de faire dialoguer de telles études avec la littérature.
Il s’agirait, dans un troisième et dernier temps, de comprendre les conséquences des rapports entre les sexes dans le fonctionnement plus global du couple littéraire en comparant des couples hétéro- et homosexués. Si l’histoire du couple littéraire hétérosexué et la répartition des postures entre ses membres est dépendante de l’évolution des droits des femmes, qu’en est-il du couple littéraire homosexué ? La collaboration littéraire fonctionne-t-elle différemment à partir du moment où la domination de genre n’est plus un critère pertinent ? Alors que l’homosexualité a surtout été étudiée comme un thème en littérature, il s’agit davantage ici de s’intéresser, avec la sociologie de la littérature, aux postures médiatiques adoptées par les écrivains homosexués et à la manière dont la critique construit la valeur de leurs textes littéraires.
MSHS
PERARTEM est un projet pluridisciplinaire porté par le laboratoire Alithila en partenariat avec l’Université de Halle. Il porte sur un corpus largement inexploré, celui de la presse culturelle de RDA, notamment l’hebdomadaire Sonntag (1946-1990), couvrant les domaines de la littérature, du théâtre, du cinéma et des beaux-arts. L’analyse de ce corpus fournira de précieuses données sur les débats et les critiques accessibles aux lecteurs, complément indispensable à la représentation de l’espace discursif effectif et des enjeux de canonisation dans le champ littéraire et culturel de la RDA. On s’interrogera ainsi sur le rapport entre, d’un côté, le contrôle et la censure assignant les individus et groupes à une situation de fragilité et, de l’autre, les marges d’action et de réaction.
L’analyse qualitative du corpus par des chercheurs de différentes disciplines, tenant compte de l’intermédialité de l’objet (rapport entre textes et images), sera accompagnée d’une réflexion sur la valorisation de ce type d’archive et sur sa possible exploration avec les méthodes des humanités numériques. Le recueil de témoignages d’anciens collaborateurs du journal contribuera à la pérennisation de leur savoir dans un cadre scientifique. Les réflexions et résultats d’analyse seront présentés lors de deux journées d’études (à Berlin et à Lille), l’enregistrement des témoins, la diffusion des vidéos et l’organisation d’une table ronde permettront la vulgarisation du savoir en direction de la société civile.
Vous pouvez retrouver les avancées du projet sur le carnet Hypothèse dédié.
IUF
Publiée vers 1540, la Grammatica arabica de Guillaume Postel reprend la présentation de la langue établie par les grammairiens arabes. Ce n’est pas la première tentative européenne dans ce domaine puisqu’elle est précédée d’un manuel d’arabe grenadin de 1505 publié par Pedro de Alcalá et que Postel avait à sa disposition. La comparaison des deux grammaires, leurs contextes de production et leur diffusion permet d’éclairer la diffusion de cette langue en Europe occidentale bien avant les premiers orientalistes mieux connus.
Le projet dans son ensemble tend donc à revenir sur l’origine des « représentations littéraires » pour mieux les articuler à une connaissance positive des objets représentés. Dans mon ouvrage, Les musulmans d’Espagne, je montre qu’en partant du postulat d’hybridité, on fonde une critique littéraire qui implique la séparation d’au moins deux éléments différents. En étudiant le corpus romanceril, j’ai été confrontée aux limites de cette approche théorique. Peut-on par exemple clairement identifier ce qui vient d’une littérature « sémitique », sans y inclure l’Ancien Testament ? L’hybridité, concept horticole, est en fait peu applicable aux productions littéraires. Dans cette nouvelle recherche, j’ai donc privilégié une autre approche, celle qui consiste à identifier ce qui est « homogène » au contenu et ce qui est « hétérogène » au contenu. Cela met en effet en jeu la notion d’intention du texte puisqu’un élément donné peut être, en fonction du contexte, soit lié à un effet volontaire d’étrangeté, soit être intégré à un continuum référentiel dans lequel l’élément n’est pas utilisé dans ce sens. Cette approche critique permet de dépasser les questions liées à la provenance de motifs littéraires toujours très délicats à identifier et à manipuler. Cela implique aussi une conscience parfaite du contexte de production afin de déceler, par l’étude de ce qui entoure le texte lui-même, de quelle manière son auteur connait ce qu’il représente ou utilise. Il faut ainsi comprendre de quelle manière la connaissance circule, ce qu’elle implique aussi. Guillaume Postel, toujours associé à la folie et à une connaissance hors-norme des langues impossibles, n’est pas une figure marginale : moqué par Rabelais, utilisé par Montaigne qui connaissait vraisemblablement par cœur ses écrits, il rebute les lecteurs car ses objets de préoccupations sont trop complexes, trop atypiques aussi. Pourtant, Postel était très proche du roi qu’il a tenté de conseiller, ses œuvres étaient lues et commentées. Tenter de comprendre de quelle manière il a appris l’arabe et de quelle manière il transmet cette connaissance, permet de mieux comprendre non seulement les réseaux intellectuels de la première moitié du XVIe siècle mais aussi de montrer l’antériorité de la curiosité française pour le monde arabo-musulman. Cette recherche constitue un exemple de réflexion sur l’articulation entre représentation et connaissance, champ qui implique le fait de repenser les méthodes comparatistes en intégrant les notions de décentrement et de diversalité. Pluridisciplinaire, le projet vise d’abord des applications littéraires (tant du point de vue de la critique que de l’histoire littéraire) mais a de nombreuses prolongations possibles dans des domaines divers. le site en construction est: guillaumepostel@univ-lille.frProgramme Horizon Europe Bourse Marie Skłodowska-Curie
Chercheur : Dariusz Krawczyk, maître de conférences en littérature française de la Renaissance à l’Université de Varsovie
Financement Programme Horizon Europe, bourse Marie Sklodowska Curie Actions de la Commission Européenne HORIZON-MSCA-2022-PF-01CIVILITY
Montant du financement obtenu 211 754,88 euros
Superviseur de la part de l’Université de Lille Marie-Claire Thomine-Bichard, Professeure des universités, Directrice du Département de lettres modernes
Durée du séjour dans l’université d’accueil 24 mois (10 juillet 2023 – 9 juillet 2025)
Résumé du projet
Non seulement les nouvelles technologies n’ont pas permis de réduire les tensions et les conflits, mais elles en ont augmenté le nombre et la portée. La promotion des attitudes extrêmes et des contenus polarisants ébranle les fondements de nos démocraties. Si nous voulons chercher des solutions, il convient de revenir à la civilité, comprise non pas comme l’application de certaines règles de comportement superficielles, mais comme élément essentiel de la vie publique et de notre expérience sociale quotidienne. En effet, la civilité est un élément actif de la démocratie considérée comme une manière de vivre ensemble au sein d’une communauté. C’est pour cette raison que ce projet se concentre sur la civilité au XVIe siècle, l’une des périodes les plus dramatiques de l’histoire moderne de la France. En effet, c’est dans ce pays déchiré par des tensions profondes que s’est développée une réflexion extrêmement intéressante sur les fondements d’une communauté et d’une société où les membres coexistent pacifiquement. La politesse est devenue un projet culturel, social et politique visant à restaurer l’ordre et l’unité du royaume, et à harmoniser les relations humaines.
Ce projet vise à retracer la manière dont la littérature de la France de la Renaissance a été non seulement un véhicule pour de nouveaux modèles de comportement verbal et non-verbal, mais aussi le moyen le plus efficace de diffusion de ces modèles, à côté des traités de politesse. Jusqu’à présent, les recherches sur la politesse au début de l’époque moderne se sont surtout développées dans le cadre de la sociologie historique, sur la base de documents historiques, de traités moraux et de textes sur l’éducation, plutôt que sur des œuvres littéraires. Les historiens de la littérature, quant à eux, se sont intéressés au phénomène de la politesse en France, mais ils ont pris pour objet d’étude les XVIIe et XVIIIe siècles, démontrant avec brio le caractère créateur de la civilité pour la culture et les sociétés. Mais ils n’ont pas su tirer parti du potentiel de la littérature du XVIe siècle, qui est cruciale pour la formation de la politesse et de l’étiquette françaises ultérieures, qui prévaudront en Europe pendant plus de deux cents ans. L’objectif du projet est de prouver que les auteurs français de la Renaissance ont utilisé la littérature comme l’un des principaux moyens de diffusion de la nouvelle civilité, ce qui fait de cette époque un tournant dans l’histoire des bonnes manières en France et l’un des aspects clés des changements culturels initiés par les rois et les reines de France pour créer une société harmonieuse. Dans les œuvres des auteurs du XVIe siècle tels que Marguerite de Navarre, Louis Le Caron, Michel de Montaigne et Brantôme, les modèles préconisés dans les traités théoriques sont traduits dans le comportement, les interactions et le langage de personnages. Il n’est pas rare que certains comportements soient stigmatisés sans équivoque comme des signes de grossièreté, tandis que d’autres sont loués comme dignes d’émulation. L’impact de ces œuvres, en raison de leur popularité et de leur accessibilité, a été nettement plus important que celui des traités de philosophie morale ou de civilité. Les recherches menées dans le cadre de ce projet montreront que les racines de la politesse française moderne remontent au XVIe siècle et qu’une forme mature de réflexion sur la politesse existait déjà près d’un siècle avant ce que l’on considère habituellement comme le début de la politesse.
La première étape de la recherche consistera à esquisser le cadre conceptuel de la réflexion de la Renaissance française sur la politesse à partir d’une analyse des traités de philosophie morale et des traités de politesse. Une analyse comparative prenant en compte les modèles italien (Castiglione), espagnol (A. de Guevara) et latin (Érasme de Rotterdam) jouera également un rôle important. Ce cadre, ainsi que les hypothèses de recherche qui émergeront des lectures, seront utilisés dans l’étape clé de la recherche, à savoir l’analyse des œuvres littéraires qui décrivent des scènes de dialogue (principalement des dialogues amoureux, des recueils de nouvelles, des pièces de théâtre) ou qui contiennent des jugements de valeur sur le comportement verbal et non verbal. L’objectif de l’analyse est de montrer que ces œuvres ne se contentent pas de stigmatiser les écarts par rapport aux normes et de louer les attitudes exemplaires, mais qu’elles modifient aussi ces modèles de manière créative. La littérature n’est pas un simple vecteur des normes morales et du savoir-vivre, mais elle montre ces normes dans la pratique de la vie noble ou bourgeoise. Cette étape permettra également d’observer l’évolution de la politesse entre le milieu du XVe siècle et les premières années du XVIIe siècle. Pour étudier l’évolution du comportement verbal, on utilisera les outils modernes de la pragmatique historique. Ils se sont fortement développés au cours des vingt dernières années, mais n’ont pas encore été utilisés pour étudier le phénomène de la politesse dans la France du XVIe siècle. Cette troisième étape de la recherche se concentrera spécifiquement sur la langue, avec une recherche de corpus basée sur 8-10 textes littéraires sélectionnés et visera à décrire l’évolution des actes de langage.
L’approche interdisciplinaire de la recherche permettra de retracer le phénomène de la politesse au début de l’époque moderne, dans ses dimensions théoriques et normatives, mais aussi en termes pratiques, en examinant les comportements spécifiques véhiculés dans les textes littéraires. Cette étude sera la première tentative d’examiner de manière approfondie et globale la politesse de la Renaissance française et de démontrer les interconnexions et les transferts d’idées dans le contexte des profonds changements sociaux et culturels. Elle montrera la littérature de l’époque non seulement comme un témoin de la transformation, mais aussi comme une sorte de laboratoire dans lequel elle s’est déroulée. Le projet constituera une contribution significative à la réflexion sur la littérature de la France du XVIe siècle et sur le rôle qu’elle a joué dans la formation des attitudes et du discours public.